Une chronique sur les ITSS pour l’émission Moteur de recherche sur ICI Première.
AJOUT:
Deux petites notes sur la chronique audio:
❗ J’ai dit: mis à part le VIH/Sida, toutes sont des MADO (maladies à déclaration obligatoire). Ma langue a fourché, ça aurait dû être: mis à part le VPH, toutes sont des MADO et l’explication vient ensuite comme quoi le VIH/Sida n’en est pas À MOINS d’avoir reçu ou donné du sang et des tissus;
❗ À la question de Matthieu «pourquoi la chlamydia est une MADO et le VIH/Sida ne l’est pas à moins d’avoir donné/reçu sang et tissu», j’ai été prise au dépourvu. Mais, c’est simplement parce que le VIH/Sida n’est pas «une maladie contagieuse qui demande une intervention immédiate » (source: COCQ-SIDA)
D’abord, c’est quoi une ITSS?
ITSS signifie: « infections transmissibles sexuellement et par le sang ». Ce sont des infections qui se transmettent lors de rapports sexuels et lors d’un contact sanguin. Pensons à l’échange de matériel d’injection ou, encore, au contact peau à peau avec une lésion, par exemple, sur un organe génital infecté. Déjà entendu parler de MTS ou de maladies vénériennes? C’est normal: on parle de la même chose. Mais on n’utilise plus ces termes.
MTS signifie «maladies transmissibles sexuellement». Avec «maladie», on implique que la personne ressent des symptômes, ce qui n’est pas toujours le cas avec avec les ITSS. Dans le cas de «vénérienne», le mot a longtemps fait référence à l’adultère. Il a ensuite été repris pour plutôt parler de maladies contractées pendant l’acte sexuel. Mais – on l’a vu – ça peut aussi s’attraper en échangeant du matériel de drogue injectable, par exemple.
Avoir peur des ITSS: oui et non
Donc si on revient à la question de départ, soit «Faut-il encore avoir peur des ITSS?», je dirais oui et non.
Non, car je ne crois pas que c’est par la peur qu’on va régler les choses, mais plutôt par une conscientisation. Mais dans un sens oui, parce qu’on ne veut pas prendre ça à la légère. En effet, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, chaque année c’est quand même « plus de 40 000 Québécoises et Québécois [qui] reçoivent un diagnostic [d’](ITSS)». Il y a une recrudescence de ces infections depuis quelques années et c’est vraiment important de s’informer sur ce qu’on est susceptible de contracter, mais surtout, de savoir se protéger. Les ITSS peuvent toucher tout le monde, peu importe l’âge, l’origine ou l’orientation sexuelle. Mais oui, il y a des populations plus à risque et c’est crucial d’en parler pour mieux se protéger et éviter la transmission.
Les ITSS en hausse: qui? Quoi? Pourquoi?
Qui?
Les populations les plus à risques, selon l’INSP (Institut national de santé publique), sont, entre autres:
- les jeunes âgés de 15 à 24 ans;
- les jeunes en difficulté (situation d’itinérance, par exemple);
- les hommes gais;
- HARSAH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes);
- utilisateurs.trices de drogues (et particulièrement de drogues injectables).
Quoi?
De quelles ITSS on parle? Est-ce qu’elles sont toutes en hausse? Eh bien, pas nécessairement. Et ça dépend des populations.
Chez les 15 à 24 ans, c’est la chlamydia qui, depuis plusieurs années, est en constante hausse. On utilise quand même le terme épidémie pour en parler et ça touche particulièrement les hommes. Côté gonorrhée, l’INSP estime que les cas ont doublé entre 2013 et 2017. Une fois de plus, la prévalence est du côté des hommes. Aussi, la fameuse syphilis! Eh oui, une «vieille» maladie qu’on croyait enrayée, mais qui fait un retour assez fulgurant depuis quelques années. Cet été, le docteur Réjean Thomas, directeur général à L’Actuel, clinique spécialisée dans le dépistage et traitement ITSS et la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/sida, expliquait que les cas de syphilis avaient doublé en un an et qu’il «n’avait jamais autant traité de cas de syphilis de toute sa vie».
Parlant de VIH/Sida, on a noté une baisse en 2017, particulièrement chez les HARSAH. Mais il reste que les hommes gais, bi et HARSAH sont des populations à risque pour cette infection. L’INSP estime que c’est à surveiller pour les années à venir.
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Et aussi…
On a également constaté une recrudescence de la lymphogranulomatose vénérienne (ou LGV) entre 2014 et 2016. Par contre, une baisse a tout de même été notée en 2017. Ça reste donc à surveiller. C’est une infection qui touche principalement les HARSAH, c’est-à-dire les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.
Selon le Réseau canadien de l’hépatite C dans son document Modèle directeur pour guider les efforts d’élimination de l’hépatite C au Canada (Mai 2019), on considère qu’il s’agit de «la maladie infectieuse la plus coûteuse au Canada, car elle cause la perte d’un plus grand nombre d’années de vie que toute autre maladie infectieuse au pays. » Finalement, il y a le VPH (virus du papillome humain). Selon Santé Canada, « jusqu’à 75 % des femmes et des hommes sexuellement actifs auront au moins une infection à VPH (virus du papillome humain) dans la région anogénitale durant leur vie, mais la plupart des personnes ayant un système immunitaire efficace parviendront tôt ou tard à l’éliminer.»
Les MADO
Mis à part le VPH, toutes les ITSS précédemment discutées sont des MADO, c’est-à-dire des maladies à déclaration obligatoire. Elles doivent donc être signalées à la santé publique. Ce que ça signifie, en résumant très brièvement, c’est ceci: lorsque vous allez vous faire dépister et que le résultat est positif, le médecin doit faire une démarche pour signaler un nouveau cas. En effet, ce sont des maladies à haut risque de transmission et qui ont des effets très importants sur la santé.
À noter: pour le VIH/Sida, elle n’est qu’à déclaration obligatoire que «si la personne a reçu ou donné du sang ou des tissus.» Sinon, elle n’est pas considérée comme une MADO, car elle n’est pas «une maladie contagieuse qui demande une intervention immédiate». Par contre, chaque cas doit être déclaré au Directeur de la santé publique à des fins statistiques. On peut trouver tous les détails sur le site de la COCQ-SIDA.
À consulter: Portrait des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) au Québec : année 2017 et projections 2018
Pourquoi?
Pourquoi on connait une hausse des ITSS? Il y a plusieurs raisons.
- Il y a des tests de dépistage de plus en plus efficaces et moins invasifs. Conséquemment, les chiffres augmentent;
- Il faut arrêter de tenir pour acquis que les femmes lesbiennes, bi et les FARSAF (femmes ayant des relations sexuelles avec les femmes) ne sont pas touchées par les ITSS. Elles sont souvent les laissées-pour-compte de la prévention et c’est grave;
- Il y a aussi une certaine banalisation de ces infections, parce que des traitements efficaces sont disponibles, donc ça réduit les craintes;
- Le VIH/Sida ne fait plus aussi peur, car il y a maintenant des traitements pour cela;
- Une montée du chemsex, la consommation de drogues dans un cadre sexuel, ce qui augmente les possibilités de transmission;
- On va le dire et le redire: il y a un manque d’éducation à la sexualité;
- On a besoin de campagnes de prévention et, on se le cachera pas, ça demande des sous;
- C’est encore tabou et mal vu d’avoir une ITSS. Ça fait en sorte que des gens seront gênés d’aller se faire dépister, parce que notre société juge les gens porteurs d’ITSS. Et, bien que ça touche énormément de gens et ça ne devrait, en aucun cas, être quelque chose qui fait qu’on peut stigmatiser les gens;
- Il y a des problématiques d’accès physiques et géographiques à des cliniques de dépistage pour certaines populations. Certaines personnes ne pourront pas être dépistées et vont peut-être continuer à avoir des relations sexuelles non protégées, par exemple.
À écouter: Testés pour la première fois
Des solutions pour enrayer les ITSS
- Se protéger! Le condom est un excellent moyen de protection (même s’il n’est pas efficace à 100%);
- Ne pas tenir pour acquis que s’il n’y a pas de symptômes, il n’y a rien qui se passe et que ça ne sert à rien de se faire dépister: plusieurs personnes ne ressentiront pas de symptômes;
- Sensibiliser au dépistage pour qu’il soit plus fréquent, plus systématique. Faire comprendre pourquoi c’est important pour soi-même, pour les gens avec qui ont a des relations sexuelles, par exemple, mais aussi pour la société. Ça représente des coûts sociaux et pour la santé qui sont considérables;
- Investir dans la recherche. En juillet dernier, le gouvernement fédéral a annoncé vouloir investir 32M$ dans la recherche sur les ITSS;
- Briser les tabous et la stigmatisation autour des ITSS. Ça peut arriver à TOUT LE MONDE!
- Il y a des populations plus à risque, oui, ce n’est pas une raison pour qu’elle restent seules avec le problème. Aidons-les à recevoir l’éducation, les soins et les services nécessaires;
- Ouvrir des cliniques d’autoprélèvement comme le Centre Prélib à Montréal; le but est d’éviter le plus possible les «barrières humaines» qui font en sorte que des gens sont gênés et/ou se sentent jugés de venir se faire dépister. Donc, il y a le moins possible de contact direct. Mis à part un.e infirmièr.e qui fait le prélèvement sanguin sans avoir accès au questionnaire de santé que la personne doit remplir, il n’y a pas de contact direct avec du personnel soignant. C’est la personne elle-même qui fait ses prélèvements.
Exit la peur, bienvenue l’éducation
Alors? Faut-il avoir peur ou pas des ITSS? Personnellement, et je ne sais pas pour vous, mais je préfère de loin savoir à quoi m’en tenir que de vivre dans la crainte et dans l’ignorance. Donc, je voterais pour l’éducation. On n’aura moins à craindre les ITSS si on sait bien de quoi il s’agit, si on a une connaissance des risques et des effets possibles sur la santé. C’est la responsabilité de chacun.e que de s’occuper de sa santé sexuelle, toujours dans la mesure où les personnes sont aptes à le faire. Alors, si on le peut, prenons-en soin.