Le 21 décembre, c’est la Journée mondiale de l’orgasme!
Rassurez-vous: l’idée ici n’est évidemment pas de faire de l’orgasme une injonction. C’est plutôt de se pencher brièvement sur le sujet afin de voir ce qui se cache derrière cette célébration annuelle.
D’où vient cette «Journée de l’orgasme»?
Très peu d’informations sont disponibles à propos de cette journée, mis à part un Wikipédia famélique. On y apprend que l’événement aurait débuté en 2006 à l’initiative d’un couple pacifiste, Donna Sheehan et Paul Reffel. Selon eux:
«un nombre élevé de pensées positives liées à un plaisir sexuel quasi simultané peut modifier le champ d’énergie de la Terre et réduire, en conséquence, les niveaux dangereux d’agression et de violence actuelle.»
Wikipédia
Sur leur site web, Global Orgasm, le couple nous incite à joindre leurs forces orgasmiques. Le but? Apporter la paix dans le monde. L’idée est belle, mais utopique.
Plaisir ou injonction?
L’orgasme est une chose dont on parle à tort et à travers. Les médias en sont friands pour faire cliquer ou vendre. Je suis souvent sidérée de voir la quantité d’articles qui vantent le fameux 7e ciel, promis via une vie sexuelle débridée. L’orgasme est le Saint Graal ou quelque chose qui s’en approche.
Mais l’orgasme, ce n’est pas si simple. Et ce n’est peut-être pas dans un texte en point form – du style «4 trucs pour avoir un orgasme» – qu’on s’attarde vraiment à la question du plaisir sexuel.
En fait, il faut aller un peu plus loin et, encore une fois eh oui, ébranler nos convictions, nos habitudes et nos normes.
Réparer la sexualité?
Pour la chroniqueuse sexe Maïa Mazaurette, il faudra déjà revoir notre façon de vivre la sexualité hétérosexuelle. En effet, la majorité des femmes sont clitoridiennes. Résultat? Pour beaucoup d’entre elles, la pénétration n’est pas suffisante pour avoir un orgasme. Il faut l’associer à la stimulation du clitoris. Alors que, du côté des hommes, ils jouissent volontiers 9 fois sur 10 avec pénétration, selon cette étude. Il y a donc là un déséquilibre important qui s’opère.
Elle ajoute également une chose intéressante concernant l’injonction à avoir un orgasme. Son texte débute avec une sorte de «ras-le-pompon» du sexe. Une «écoeurantite» motivée par tous les #metoo, les discriminations, la violence autour du sexe.
Votre libido joue-t-elle l’autruche en cette fin d’année ? Tout est normal. Entre le mouvement #balancetonporc, la charge mentale, les révélations sur les viols de masse en Syrie, la pornification du quotidien ou le fossé salarial qui ne se résorbe pas : non seulement l’actualité sexuelle/sexuée est conflictuelle en elle-même, mais nous atteignons un point d’exaspération qui nous rapproche collectivement du point Lysistrata. Le sexe ? Sans nous. Stop. On a trop donné.
J’avoue que ça résonne fort en moi. Car j’écris sur la sexualité, je l’étudie, je fais des projets en lien avec le sexe et j’ai une sexualité. Tout cela frappe l’imaginaire. Ça donne à penser et ça exige même que nous repensions notre façon de voir la sexualité. On doit se questionner. Sur ce qu’on en fait, sur comment on la vie, sur comment on en parle, sur les jugements qu’on porte. Car il y a quelque chose de brisé ou, du moins, de fragilisé.
Entamons la conversation
On vient tout juste de rendre obligatoire les cours d’éducation sexuelle pour les jeunes. Et, franchement, je souhaite ardemment qu’on ne le fasse pas juste pour se donner bonne conscience. Mais plutôt parce qu’on y croit et qu’on réalise que c’est vital d’offrir cela aux jeunes. Leur montrer que c’Est l’occasion de parler et comprendre ce qui se passe dans leurs corps et leurs têtes. Abordons les choses de front. Pas comme quelque chose de gênant dont on doit se débarrasser au plus vite pour passer à un autre sujet. S’occuper de la sexualité, c’est une vision de société, rien de moins. C’est prendre au sérieux la santé physique et mentale des gens. C’est considérer qu’il y a une part de responsabilité individuelle, mais également une responsabilité sociale.
Même chose pour les millions investis pour contrer les violences sexuelles. Si on le fait, encore une fois, par acquit de conscience, rien ne changera. Parce que, même si on aura accompagné les jeunes dans une éducation sexuelle, on les laissera tomber une fois arrivés dans leur vie sexuelle active. On n’aura pas changé le cœur du problème. Car il est structurel et pas juste individuel.
Orgasmons (et discutons)!
On peut célébrer une Journée mondiale de l’orgasme. Mais sans obligation à performer. Car la sexualité est tellement plus qu’une prouesse physique. Elle demande d’être approchée avec ouverture et compréhension. Pas comme un badge à obtenir sur son petit tableau d’honneur personnel.
Bref, orgasmez bien ou pas, cela vous regarde. Mais, personnellement, au lieu de nous souhaiter d’orgasmer tous.tes au même moment pour sauver la planète, je m’en tiendrai à un seul vœu. Arrêtons-nous tous.tes en même temps pour réfléchir à la façon dont on parle de sexualité et comment on la vit. Stoppons le flot de préjugés, de normes, de stéréotypes genrés et de peurs incessantes qu’on génère et qui ne fait que retarder une franche conversation sur ce sujet, ma foi, vital. Est-ce vraiment trop demander?
Photo de une: Jimmy Musto sur Unsplash