Quand la BD parle de sexe

Celles et ceux qui me suivent depuis un moment savent bien que j’ai toujours un livre à la main. Ces temps-ci, les bouquins que je trimballe portent pas mal presque tous sur la sexualité. Et trois parutions récentes me sont tombées dans l’oeil . Petites suggestions lecture.


Libres! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels 

Ça fait un petit moment que je suis Ovidie, réalisatrice, auteure et ancienne actrice porno. Depuis son excellent documentaire À quoi rêvent les jeunes filles?, en fait. Quand j’ai vu qu’elle faisait paraître un album sur la sexualité, je n’ai pas pu m’empêcher de demander illico une copie.

Paru chez Delcourt, dans la collection Tapas, ce livre, entre BD et album illustré, parle fesses, clitoris, poids, orientation sexuelle, sperme, menstruations, poils et j’en passe. Ovidie signe les textes, alors que Diglees’occupe, bien, évidemment, des illustrations. Et l’amalgame entre les deux fonctionne vachement bien.

On entre rapidement dans le vif du sujet: le premier chapitre nous plonge dans l’absurde discours qui perdure autour du sperme, ce liquide précieux qui dont on ne devrait pas perdre une seule goutte, car il serait extrêmement bénéfique pour la santé, la peau, alouette.

Il serait bon pour la peau, antidépresseur, riche en vitamines et oligo-éléments. […] Le message subliminal est clair: «Suce-moi» (sous-entendu: «Que tu apprécies cette pratique ou non, je m’en tamponne les amygdales».) Du sperme antidépresseur, vraiment? Je serais curieuse de savoir combien de litres il faudrait s’envoyer avant que cela ne fasse l’effet d’un quart de Prozac. Et puis c’est vrai que lorsqu’on travers une période noire, tailler des pipes à la chaîne, ça requinque.

Vient alors l’injonction de faire des fellations, mais également de consommer ledit liquide. Mais, chose intéressante, ça ne s’applique qu’aux femmes. Pas question de proposer à d’autres messieurs de se prévaloir des bénéfices de cette miraculeuse mixture, ça non. Et parler des bienfaits de la glaire? Dans ces textes, Ovidie remet les pendules à l’heure sur les stéréotypes qui nous engluent dans des sexualités à sens unique, fermées sur elles-mêmes. Chaque texte est accompagné des superbes illustrations de Diglee qui arrivent rapidement à nous faire saisir l’émotion, le mot d’esprit et qui supportent à merveille les prises de position de l’auteure qui nous brasse la cage sur bien des idées reçues. À découvrir absolument.


Dirtybiology . La grande aventure du sexe 

Vous connaissez peut-être Dirty Biology? C’est une chaîne YouTube où l’on peut en apprendre plus sur, vous l’aurez deviné: la biologie! Léo Grasset est derrière ce projet fort sympathique qui vulgarise, avec beaucoup d’humour et un montage serré typique YouTube, plusieurs concepts liés de près ou de loin à cette science fascinante. Voici quelques vidéos:

En plus de ce projet vidéo, Léo et Colas Grasset ont récemment lancé une BD sur l’histoire de la sexualité. C’est super bien fait.

L’album, toujours chez Delcourt, mais cette fois dans la collection Octopus, offre un survol très fouillé des origines de la vie. Le sexe, c’est d’abord et avant tout la fusion de deux cellules. Et, comme le livre le dit si bien, tout ça arrive avant même que la notion de sexualité, telle qu’on l’entend, émerge. Pareil pour les notions «mâle» et «femelle» qui sont beaucoup plus larges et relatives qu’on pense. Un personnage asexué nous offre un tour guidé plutôt rigolo (il lance souvent un «J’adore les animaux» qui nous rappellera le fameux Stéphane Bern, animateur de la non moins fameuse émission française Secrets d’histoire) qui fait un tour d’horizon très large de l’origine des espèces. C’est agréable, intéressant et on apprend pas mal de choses!

Celles et ceux qui aimaient l’émission Il était une fois… la vie (j’étais une fan FINIE) auront certainement une petite émotion en ouvrant ce bouquin. Je le recommande aux jeunes comme aux adultes. Très chouette.


Extases 

Ici, c’est une tout autre approche qui est préconisée puisqu’il s’agit d’une BD autobiographique, parue chez Casterman.

Jean-Louis Tripp, qu’on a connu pour la série, primée, Magasin général (réalisée avec Régis Loisel et François Lapierre), y va cette fois d’un album très personnel où il détaille son vécu sexuel, de sa jeune enfance jusqu’à l’âge adulte. Dans une lettre qu’il adresse au lectorat, il dit s’y dévoiler comme s’il faisait un «coming out». Voilà ce que je suis, dit-il, sans masque.

En noir et blanc, avec une finesse exquise dans le trait et un grand souci des détails, le bédéiste se met à nu et nous raconte, par le menu détail, ses premiers émois, ses premières expériences, ses amours, ses peines et tout ce qui tourne autour de ce qui nous fait comme être humain: émotions, désir, envies, explorations, questionnements, réflexions, etc.

La BD est superbe et on y plonge avec curiosité (évidemment!) et on se promène entre sexes, poils et corps savamment illustrés, tout en suivant la vie plutôt (sexuellement) mouvementée de l’auteur. Du premier baiser au premier orgasme, de ses copines aux prostituées fréquentées, des expériences homosexuelles aux «trips» à trois et aux orgies, on assiste au dévoilement de tout un pan de son intimité et on comprend bien le «coming out» auquel il faisait référence.

Un album fort intéressant qui, non seulement est superbe, mais pourra également ouvrir la discussion sur la sexualité. On ne le mettra évidemment pas dans de petites mains chastes, mais peut-être que des ados bien accompagné.e.s seront à même de pouvoir comprendre les émotions qui tournoient autour des premières expérimentations et, qui sait, un dialogue honnête pourra peut-être émerger et permettre de briser quelques gênes qui méritent d’être tassées pour aborder de front ce sujet important.

Bonne lecture! 🙂

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