amour-reseaux-sociaux

L’amour sur les réseaux sociaux, on en est où en 2020?

Une chronique sur l’amour au temps des réseaux sociaux pour Moteur de recherche. Écouter la chronique audio.

Au-delà de Tinder, Bumble, Grindr et cie 

Janvier dernier. Le Youtubeur beauté James Charles (16.7 millions d’abonné.es) lance une vidéo devenue virale sur le média social de l’heure: Tik Tok. Dans sa vidéo, il explique que Tiktok est, pour lui, ni plus ni moins qu’une autre app de rencontres. Il lance aussi le concept de «Tik Tok Bachelor*». Son but? Se trouver un chum sur le réseau. À la manière d’une fiche sur un site de rencontre, il fait une rapide liste de sa personne: intérêts, passe-temps, ce qu’il recherche chez un partenaire. L’amour sur les réseaux sociaux, ça se passe manifestement aussi sur Tik Tok.

Évidemment, la machine à potins s’emballe. Mais une question intéressante émerge de tout cet émoi: Tik Tok peut-elle être considérée comme une application de rencontres? La journaliste Anna Iovine prend la balle au bond et publie un article sur Mashable: «TikTok is proof that people can make any social media network into a dating app». Et sa théorie se résume ainsi: «Every app becomes eventually a dating app». (Toutes les apps finissent un jour ou l’autre par devenir des applications de rencontre.)

Et… ce n’est pas faux. Surtout en 2020. Nous sommes dans une ère d’hyperconnectivité, ce qui, évidemment, touche aussi nos rencontres affectives, amoureuses et/ou sexuelles. Par exemple, j’ai connu mon chum au boulot. Mais, nos conversations sont passées du cadre professionnel au cadre intime grâce à… Google Hangout! Jamais je n’aurais cru que cette plateforme, surtout utilisée de façon professionnelle, aurait pu me mener à être en couple. Et pourtant… 

Hashtag #dating

Quand on pense rencontres amoureuses et/ou sexuelles, on a souvent en tête l’application Tinder. Un peu normal: avec ses 2 billions (!) de swipe par jour, c’est le plus gros joueur dans ce domaine actuellement . Pourtant, on utilise plusieurs plateformes sociales au quotidien qui ne sont pas directement des applications de rencontre. Et pourtant celles-ci risquent fort de nous mener vers des rencontres autres que professionnelles et/ou amicales. On parle entre autres de Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, Tik Tok voire même WhatsApp (ou même Hangout!). Une recherche rapide sur Tik Tok nous démontre que le mot-clic #SomeoneDateMe récolte plus de 25 millions de vues. Sur Instagram, #dating obtient, quant à lui, plus de 4 millions de résultats. 

Dans un sondage réalisé par le site Who Is Hosting This? auprès de 1000 utilisateurs.trices d’applications de rencontres, 80% des répondant.es vont d’abord observer les interactions sur les médias sociaux de la personne avec qui ielles prévoient faire une rencontre. Près de 60% les ajoutent carrément comme ami.e ou les suivent sur un ou plusieurs de ces réseaux.

Facebook: liker pour se faire aimer

Selon les sites Tom’s Guide et Digital Trends, spécialisés en tendances web, Facebook compte parmi les apps les plus utilisées pour faire des rencontres amoureuses et/ou intimes. D’ailleurs, la plateforme a lancé, en 2018, sa fonction «Rencontres» (Facebook Dating) qui continue d’évoluer depuis. Et ce, même si les résultats sont mitigés et qu’il n’y a pas autant d’utilisateurs.trices qu’escompté.

Fait intéressant: on se rappellera qu’avant, Facebook s’appelait… FaceMash. Un site pour noter des étudiantes selon leur apparence physique. On était pas encore tout à fait rendu au principe Tinder de «swipe gauche ou droite», mais pas loin. C’était les premiers balbutiements – sexistes on s’entend – d’une interface qui permet de sélectionner la personne la plus séduisante. Ce que font, d’ailleurs, la plupart des apps de rencontres actuelles: parmi une panoplie de visages, on sélectionne ceux qui nous attirent le plus. (Ça ne s’appelle quand même pas Facebook – un livre de visages – pour rien.) Il y a aussi eu une autre application, d’abord lancée en tant que Picaboo. Elle proposait un service de sextos (des messages textes à connotation sexuelle), mais a finalement été modifiée pour une utilisation plus ludique. Et rebaptisée… Snapchat. 

Pour en revenir à Facebook, si sa fonction «rencontres» offre des résultats assez moyens, c’est peut-être que la plateforme contient déjà les éléments favorisant les échanges amoureux. Par exemple, le poke est toujours présent, mais s’appelle maintenant wave (qu’on peut traduire comme «faire un signe de la main»). Il permet d’entrer en contact avec une personne qu’on ne connaît pas nécessairement et/ou avec qui on a des ami.es en commun, par exemple, afin de lui signifier qu’on existe.

Jamais loin des scams

Cela permet parfois de détourner Messenger, la messagerie de Facebook qui filtre les messages qui  proviennent de gens avec qui ont est pas «ami.e». Elle offre également la fonction conversations «secrètes» qui permet d’avoir des échanges qui s’autodétruisent après un certain délai. Cela donne la rassurante impression que les infos, photos et vidéos envoyées sont cachées de tous.tes et sécurisées. Mais, une capture d’écran est si vite arrivée. 

À ce sujet, les médias sociaux ne sont pas sans risques. Parmi les dangers associés aux rencontres amoureuses et/ou sexuelles via ces plateformes, il y a les fameux scams. Ce sont des faux profils créés pour réussir à intéresser une personne avec qui ielles entreront en contact. La confiance se bâtit doucement et mène souvent à des échanges à teneur sexuelle. Le scammeur ou la scammeuse se révèle alors et utilise les informations obtenues pour extorquer de l’argent. Cela peut se faire en menaçant la personne de divulguer une vidéo filmée à son insu, par exemple. C’est aussi la triste réalité du dating actuel, malheureusement. 

À lire aussi: Consentement sexuel et applications mobiles: une bonne idée?

Des intérêts communs

Ce qui contribue à créer les rencontres amoureuses sur les réseaux sociaux, c’est aussi, bien sûr, d’avoir des intérêts communs. C’est souvent un bon pas vers une possible relation, mais même avant cela, pour simplement lancer la conversation. Facebook est basé sur ce principe, mais également plusieurs plateformes comme Twitter, Instagram, Snapchat, Tik Tok, etc.. On peut s’échanger des J’aime stratégiquement placés sur certaines publications (des photos de profil, par exemple), question de démontrer son intérêt et son appréciation. Ou, encore commenter/répondre sur une publication précise pour signaler sa présence et y ajouter son grain de sel.

Pas surprenant que de nombreuses applications de rencontre, comme Tinder, Bumble ou Happn se connectent directement avec Facebook. On facilite la tâche aux utilisateurs.trices en construisant un profil très étoffé basé sur toutes les informations colligées par Facebook. Vos centres d’intérêt, votre géolocalisation, vos cercles d’ami.es, vos interactions sociales. Le but? Créér des matchs les plus personnalisés possible (et parfois vendre vos infos personnelles à des tiers, mais ça, c’est pour une autre chronique!).

Pensons à Happn qui vous géolocalise et base vos rencontres potentielles sur les gens que vous croisez au quotidien. La personne cute sur laquelle vous butez chaque matin dans votre café de quartier favori, par exemple. En la voyant apparaître sur Happn, c’est rassurant de savoir que vous aimez le même type d’établissement et que la personne est en recherche d’un.e partenaire. C’est une sorte de «GO» informel pour aller de l’avant. On ne laisse rien au hasard ou peut-être de moins en moins. 

Une ère «d’instagrammabilité» et d’instantanéité, mais aussi un retour aux valeurs traditionnelles 

Évidemment, c’est qu’on est dans l’ère Instagram où les images plutôt sont lisses et léchées. Ce qui s’applique souvent aussi aux physiques célébrés (et recherchés!) sur les plateformes sociales. Facebook permet de mettre une photo de profil temporaire, une occasion de «tester» une image de soi dans son réseau social. Beaucoup de gens utilisent aussi l’expression «Feeling Cute, Might Delete Later» en changeant leur portrait sur la plateforme (ou ailleurs). Le message passé? Sur le moment, la personne se sent séduisante, voire sexy, mais risque de retirer l’image plus tard. Et ce, souvent si elle n’a pas récolté assez de J’aime… 

Si les interactions sociales manquent de spontanéité – un constat fait par plusieurs jeunes adultes interrogé.es dans le documentaire Swiped: Hooking Up in the Digital Age (HBO, 2018) – c’est probablement qu’on manque de temps, d’énergie et d’intérêt à s’investir dans quelque chose qui ne mènera peut-être à rien. «Tequila, Heineken, pas le temps de niaiser» comme dirait l’autre. Ce n’est peut-être pas étranger au phénomène du ghosting. On cesse, du jour au lendemain, tout contact avec une personne avec qui on était en relation. Et ce, sans lui offrir de raison précise. Cette pratique a pris énormément d’ampleur dans les situations de rencontres. Et aussi celle de la hookup culture.

On encourage et met l’emphase sur les relations sexuelles sans lendemain et, particulièrement, sans attachement et/ou implication émotive. On navigue entre une certaine solitude (pour ne pas dire une solitude certaine), mais aussi avec la possibilité de connecter – plus que jamais – avec un bassin immense de gens. Dont des partenaires potentiel.les, alors pourquoi s’en tenir à une seule personne?

Cela dit, à l’extrême opposé, on trouve aussi des mouvements comme celui de la #tradwife. Ils ont émergé plus fortement depuis l’ère pro-Trump. Le mot-clic #tradwife fait circuler les propos de personnes qui prônent un retour aux valeurs traditionnelles. C’est-à-dire aux relations amoureuses (hétérosexuelles, on s’entend) monogames scellées par un mariage. Relation dans laquelle l’homme fait figure d’autorité et est pourvoyeur. La femme, quant à elle, est soumise à son mari et son rôle est de tenir la maison. La chaîne Youtube The Darling Academy with Alena Kate Pettitt est dédié à ce mode de vie et, c’est assez surréaliste merci. 

À lire aussi: Pornographie: l’ultime limite des influenceur.es?

Un pas de recul 

Il y aurait 1000 et un sujet à aborder face aux relations amoureuses sur les médias sociaux. Que ce soit l’aspect «addiction» de la chose, par exemple. Parce que les plateformes nous rendent accrocs à certaines formes de récompenses: les J’aime, les matchs, etc. Cela peut jouer sur notre façon de vivre les relations, à cause d’une constante recherche de validation. Ce qui peut aussi nous porter à cumuler les échanges et relations possibles. Ou, encore, on peut parler de la réalité des personnes s’identifiant comme femmes ou, encore, les personnes LGBTQ+ et les dangers et violences auxquels sont confrontés ces individus en situation de rencontre amoureuse. Les angles d’attaque ne manquent pas. 

Mais, inutile de se le cacher: un certain désenchantement teinte l’amour sur les médias sociaux et les applications de rencontre. Et, sans être technophobe, il y a probablement un pas de recul à prendre face à notre utilisation des plateformes sociales.

Si elles sont merveilleuses pour nous connecter avec le monde entier à toute heure du jour et de la nuit, elles peuvent aussi nous éloigner d’une réelle connexion humaine. Avec soi-même d’abord, mais aussi avec celles et ceux qu’on voudra peut-être faire entrer dans nos vies intimes. N’oublions pas non plus que de belles histoires peuvent émerger de ses connexions parfois inespérées entre deux personnes (ou plus!) et il ne faudrait non plus pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Bref, je modifie un peu l’expression: là où il y a de l’humain, il y a de l’humainerie. Conséquemment, ça s’applique à nos interactions sur les réseaux sociaux aussi. Et ce qui fait notre beauté et notre complexité.

*Référence à la populaire émission The Bachelor

Photo de une: Prateek Katyal via Unsplash

Partager: